Le taom-baovao malagasy ou Nouvel an malgache a été initié par le roi Ralambo au XVIe siècle. Cette célébration est caractérisée par le retour aux valeurs, la réconciliation et le renforcement du « fihavanana » (solidarité) par la purification du cœur, de l’esprit et de l’environnement autour. Suite à son abolition officielle en 1897 par l’autorité coloniale française, le taom-baovao malagasy a depuis lors été célébrée en cachette par de nombreux malgaches. Pour les colons, il s’agissait d’une institution ancestrale dangereuse qui entraîne dans l’esprit et le cœur des malgaches des valeurs culturelles qui lui sont propres. Depuis une trentaine d’années, de nombreuses associations, descendants de familles royaux et autres organismes ont fait resurgir cette coutume dans la vie des malgaches… Focus

Le taom-baovao malagasy, c’est quoi exactement ?

Le calendrier malgache se basant sur le mouvement astral, l’année civile malgache est ainsi composée de mois lunaires. De ce fait, le taom-baovao malagasy est célébré le premier jour de l’année traditionnelle malgache ou Alahamady be, soit au mois de mars du calendrier grégorien. La nuit précédant ce jour de l’An coïncide à la première lune de l’année calendaire. La date toutefois d’une année l’autre. Cette fête séculaire véhicule les sept fondements de la philosophie malgache : la foi au Créateur (Ilay Nahary), la valeur de la vie (aina), le sens du sacré (fahamasinana), l’entraide et la solidarité (fihavanana), le sens de l’équité et de la justice (fahamarinana), le bonheur (fahasoavana) et l’attachement aux héritages ancestraux. Elle est synonyme de pardon, de réconciliation, de partage, de vœux de prospérité entre les générations. Au temps des royautés, la fête symbolisait le pardon généralisé, qu’il s’agissait de dissensions entre les dirigeants et la population, entre les membres d’une communauté, entre les parents et les enfants, ou encore entre les époux. La veille de la célébration, il était interdit d’abattre et de manger de la viandes de bœuf.

Le taom-baovao malagasy ou Alahamady be a été initié par le roi Ralambo au XVIe siècle pour marquer son anniversaire. Durant le règne de Ranavalona III, la fête fut célébrée au mois de novembre, à la date d’anniversaire de cette dernière. Avec l’établissement du christianisme, la célébration ne semblait plus être d’actualité, mais n’avait pas complètement disparu. En effet, de nombreuses familles ont continué à l’observer.

Célébration du taom-baovao malagasy entre 1575 et 1896

Avant que Radama I n’ait entrepris l’unification de la Grande île vers la fin du XVIIIe siècle, chaque région avait son calendrier et sa manière de célébrer cette festivité. Dans la région de l’Imerina, le roi Ralambo a officialisé la célébration du taom-baovao le jour de son anniversaire le premier jour du mois d’Alahamady de l’année 1575, afin de renouveler son « hasina » (pureté et sacralité). Cette première célébration a eu lieu sur la colline sacrée d’Ambohidrabiby ou « Hasin’Imerina ». Depuis, le village royal s’est positionné au-dessus des 11 autres collines sacrées grâce à divers privilèges. Il lui était octroyé le droit d’allumer le « afo tsy maty » (le feu éternel) avant les autres villages du royaume. Des « omby volavita » (zébus royaux) issus d’Ambihidrabiby étaient abattus. Leurs bosses (trafonkena) étaient offertes en cadeau au roi. Dans les autres villages nobilaires, seuls les « omby malaza » (bœufs spécialement engraissés pour le peuple) pouvaient être abattus. La célébration n’avait pas lieu d’être sans le « fandroana » (bain royal) des rois qui était censé régénérer leur sacralité et celui de l’univers entier.

Les rites liés à la célébration

De nombreux rites sont associés à la célébration du nouvel an traditionnel merina, et par extension celui du royaume de Madagascar.

  • Le Fandroana ou bain sacré
    Le Fandroana ouvre la célébration. Ce rituel se déroule la veille du premier jour de l’an. Revêtant une grande sacralité, il permet de purifier le roi, ses sujets ainsi que l’univers tout entier. Pour le bain, le roi est vêtu d’une nouvelle étoffe pourpre en soie confectionnée par les Andriandoarimanjaka d’Ambohidrabiby. Le bain est pris à l’intérieur du palais, au coin nord-est connu comme le « zoro firazanana » (coins des ancêtres) ou « zoro alahamady » (coin d’alahamady).
  • Le afo tsy maty et le andro tsy maty
    L’après-midi de la veille du jour du nouvel an, tous les sujets assistent à la cérémonie du afo tsy maty (feu éternel), qui est ensuite suivi du « arendrina » (lampions). Les femmes et les enfants font 7 fois le tour de leur village avec des lampions dans le but de chasser les mauvais esprits et les mauvais œils. La lumière de la bougie est synonyme de vie, de chaleur et de bonheur. La nuit venue, place au andro tsy maty (nuit blanche). Durant cette veillée nocturne, tout le monde fait en sorte que le afo tsy maty reste allumé jusqu’au lever du soleil.
  • Le santatra
    C’est le matin du nouvel an. Les malgaches changent les nattes usées de leur maison par des neuves. Puis, ils s’habillent de vêtements neufs.
  • Le safo-rano misandratr’andro
    Le safo rano misandratr’andro ouvre la célébration du nouvel an. Il s’agit d’un rituel durant lequel des parents donnent le « tso-drano » ou la bénédiction à tous les membres de la grande famille assistant à la fête. De l’eau pure est puisée très tôt le matin (vao mangiran-dratsy), puis chauffée dans une cruche en argile qui est ensuite placée dans la case du roi. Les assistants y plongent leurs mains, avant de les poser sur la tête et de prononcer des vœux de bonheur et de prospérité. Les vœux sont d’ailleurs adressés à Andriamanitra Andriananahary ou Dieu.
  • Le tatao
    Après le rituel du Tso-drano, les assistants du roi procèdent au tatao. Ils mettent du riz arrosé de lait et de miel sur leur tête pour se protéger de la mort, tout en se souhaitent une meilleure vie pour la nouvelle année. Il est à noter que le riz arrosé de lait et de miel est un repas qui reflète le partage de la joie et du bonheur.
  • Le nofon-kena mitam-pihavanana
    Le « nofon-kena mitam-pihavanana » matérialise la valeur du « Fihavanana ». S’agissant du partage de viande de zébu, ce rituel met en avant la solidarité et l’union des malgaches. Selon la tradition, des « omby volavita » (zébus de couleur rouge et blanche) offerts par la famille proche du souverain sont abattus, puis partagés au peuple.
  • Le zara-hasina
    Ce rituel se traduit par des offrandes à faire aux ancêtres en signe de gratitude pour les bénédictions faites à leurs descendants. Il s’agit d’une offrande d’épis de riz pour éradiquer la famille considérée par les malgaches comme l’ennemi du peuple.

Le taom-baovao malagasy de nos jours

Au fil des siècles, le taom-baovao malgache est devenue une fête populaire, que tout citoyen, sans distinction de race, d’origine ou de religion peut observer. Sous l’impulsion de nombreuses associations, bon nombre de malgaches dans plusieurs régions de l’île célèbrent à nouveau cette fête. Les rituels ont quelque peu changé. Il faut savoir que cette célébration n’est associée à aucune pratique religieuse, qu’il s’agisse des sacrifices d’animaux, des cultes des « sampy » ou des cultes des morts. Cependant, les « tsodrano », les « afo tsy maty » et les « arendrina » ont été conservés. Le « hira gasy » et le « vako-drazana » animent également cet évènement culturel. Tous les ans, le taom-baovao malagasy est organisé à Ambohidrabiby par les descendants des familles royales et d’autres personnalités et invités dans la pure tradition.

Dans une certaine mesure, célébrer officiellement le nouvel an malgache revient à dire que le peuple malgache a renoué avec son âme, qui n’est autre que son histoire et ses coutumes, mais surtout qu’il jouit enfin de sa pleine souveraineté.